Les aliments sont-ils plus sucrés en outre-mer ?
Dans son article 1, la loi française du 3 juin 2013 « visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer » prévoit que les aliments distribués dans les régions et collectivités outre-mer ne peuvent avoir une teneur en sucres ajoutés supérieure à celle d'une denrée similaire de la même marque, distribuée en France hexagonale.
L’initiative législative est partie d’un double constat, établi en 2011 aux Antilles puis observé dans d’autres régions outre-mer : les aliments manufacturés sont plus sucrés qu’en Métropole et la prévalence du surpoids et de l’obésité y est plus élevée.
D’où viennent les différences observées au niveau des aliments ? Pour les produits laitiers, la raison est d’abord technologique. Du fait d’un approvisionnement déficitaire en lait liquide, leur production locale se fait en effet à partir de poudre de lait, dont la teneur en lactose est pratiquement 2 fois supérieure. Un yaourt nature commercialisé à Fort-de-France contient ainsi 2 à 3 % de lactose en plus (donc de sucres) que le même yaourt vendu à Paris. De plus, l’ajout de sucre est souvent plus important outre-mer et cela conduit finalement à une teneur en sucres totaux de 4 ou 5% supérieure à celle du produit hexagonal de même marque, soit un écart relatif allant jusqu’à 15 % pour des yaourts sucrés ou aromatisés.
Pour les boissons sucrées, les écarts sont assez variables selon les marques ; il n’existe aucune différence pour certaines références nationales de colas tandis que d’autres boissons carbonatées affichent des teneurs en sucres de 20 à 45 % supérieures aux formulations métropolitaines ! Enfin, les marques locales de limonades ou de boissons aux fruits de la Réunion ou des Antilles sont bien souvent très sucrées.
Pour quelle raison ? A l’occasion des débats parlementaires autour de la proposition de loi, les fabricants ont invoqué la nécessité de formuler ainsi leurs produits pour répondre à un goût pour le sucré plus prononcé dans les régions outre-mer. Cette préférence marquée pour le sucré n’est pas documentée au plan scientifique, pas plus d’ailleurs qu’il n’existe de preuve d’un conditionnement au goût sucré, qui serait lié à l’environnement séculaire des champs de canne dans ces « îles à sucre ». Certains ont même avancé l’hypothèse d’une perte de sensibilité gustative liée à une alimentation (trop) riche en piment dans certaines de ces régions ultramarines.
La loi s’applique depuis le 1er janvier 2014 en Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte ainsi qu’à St-Barthélémy, St-Martin et St-Pierre-et-Miquelon, intégrant en plus un alignement sur la métropole des dates limites de consommation. Ayant des compétences propres, la Polynésie Française, la Nouvelle Calédonie et Wallis-et-Futuna pourront décider d’en adopter les mesures ou non.
Légitimement posée, la question de l’égalité républicaine face à l’offre alimentaire « sucrée » a trouvé une réponse claire dans cette loi. S’agissant de la prévention du surpoids et de l’obésité en outre-mer, il est moins certain en revanche que la baisse de quelques grammes de sucres par yaourt ou par verre de boisson soit à elle seule déterminante. Mais c’est un premier pas, avant des changements d’habitudes alimentaires plus profonds.
Mise à jour
le 26/06/2023 à 16:45