Mars 2024
Nous vous le présentions dans une précédente brève: l’ARFID[1] est un trouble de l’alimentation persistant au-delà de la petite enfance, conduisant à l’impossibilité de couvrir ses besoins nutritionnels, avec des répercussions cliniques[2] . Dans un commentaire publié dans le Journal Of Eating Disorders, des cliniciens partagent deux approches thérapeutiques, peu décrites dans la littérature, qu’ils emploient auprès d’enfants atteints d’ARFID dans un centre de soins américain, en complément des soins habituels.
Tenir compte des défauts des fonctions exécutives
La première approche consiste à
intégrer les spécificités neurodéveloppementales des patients ARFID dans la prise en charge des patients. En effet, par rapport aux autres troubles alimentaires, l’ARFID est plus souvent associé à des troubles
tels que l’autisme, le TDAH (trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité)
ou des troubles intellectuels ; la présence de ces troubles est d’ailleurs associée à un risque plus élevé de voir se développer un ARFID ultérieur.
Ces différents troubles ont en commun des spécificités au niveau des fonctions exécutives, cet ensemble de processus mentaux qui permettent de gérer ses comportements, ses pensées et ses émotions : réduction du contrôle inhibiteur, de la mémoire de travail, de la flexibilité mentale, des capacités de planification, d’intégration et de régulation des émotions… Pour tenir compte de ces spécificités dans le contexte thérapeutique, de l’ARFID les chercheurs proposent par exemple de
proposer les aliments peu appréciés en petites quantités, aux côtés des aliments appréciés, et en limitant la diversité des composantes du repas. Cela peut donner lieu à des repas atypiques vis-à-vis des normes sociales (ex : aliments de snacking formant la composante principale du repas avec de petites bouchées des aliments peu appréciés à côté). Objectif ?
Créer des objectifs plus atteignables pour l’enfant tout en introduisant les nouveaux aliments « stressants ». Des aménagements de l’espace du repas sont aussi mis en place pour tenir compte des spécificités sensorielles, de mouvement et d’attention des enfants atteints d’ARFID (repas à l’écart du bruit, jouets de régulation sensorielle…).
Régulation des émotions et efficacité interpersonnelle
La seconde approche consiste à utiliser des éléments de la thérapie comportementale dialectique[3] (TCD), développée pour aider la régulation des émotions dans d’autres troubles psychiques. Un enseignement des compétences de la TCD est dispensé aux enfants et aux parents : tolérance au stress, régulation des émotions, pleine conscience (ex : observation des moments de crises émotionnelles des enfants, sans jugement de la part des parents ; observation par les parents de leurs propres réponses émotionnelles aux crises de l’enfant…). Les parents apprennent également à développer leurs compétences en efficacité interpersonnelle[4] : par exemple, en signifiant à leur enfant qu’ils comprennent la difficulté que peut représenter un repas pour eux, tout en l’encourageant à s’y confronter quand même.
À partir de leurs observations cliniques, les chercheurs estiment que le déploiement de ces deux approches dans le parcours de soin des enfants ARFID pourrait être bénéfique. Pour autant, et à l’instar de recherches encourageantes déjà menées dans le cadre d’autres troubles alimentaires, leur efficacité reste à établir de façon rigoureuse auprès d’enfants atteints ARFID.
[1] Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder, ou trouble d’évitement ou de restriction alimentaire
[2] perte de poids ou une prise de poids insuffisante ; carences nutritionnelles ; mise en place d’une alimentation entérale ou recours à des compléments nutritionnels ; apparition d’interférences avec le fonctionnement psychosocial.
[3] La TCD a été initialement conçue pour les personnes ayant des difficultés à réguler leurs émotions et présentant des manifestations comportementales dysfonctionnelles tels que des comportements suicidaires et auto-destructeurs. Elle cherche un équilibre entre acceptation et changement d’une situation, selon une démarche dialectique.
[4] compétences sur la manière de traiter et d'interagir sainement avec les autres.