Octobre 2022
Alors que la campagne sucrière a débuté cette année dès mi-septembre, avec près de 2 semaines d’avance, Cultures Sucre a souhaité recueillir les impressions de Christian SPIEGELEER, Président et Directeur général du Syndicat National des Fabricants de Sucre de France (SNFS), sur les enjeux de cette campagne pour la filière.
La campagne sucrière commence cette année en avance. Pour quelles raisons ?
Christian SPIEGELEER : La campagne sucrière démarre en effet plus tôt que d'habitude en moyenne, en raison d'un contexte d'approvisionnement énergétique incertain lié à la guerre russo-ukrainienne et d’un risque de possibles ruptures d'approvisionnement en gaz à partir du mois de janvier. Ce ne sont que des hypothèses, bien entendu, mais c'est un risque que nos entreprises ont intégré dans le paramétrage de leur campagne sucrière 2022/2023. Cela nous contraint à devoir traiter nos betteraves avant cette échéance, pour écarter toute interruption du fonctionnement des sucreries. Si on interrompt brutalement ou sous court délai les sucreries, on risque en réalité de porter atteinte à l'intégrité de l'outil industriel et également de laisser en bord de champ, des betteraves non utilisées. Il y a donc à la fois un risque industriel mais aussi un risque de gaspillage alimentaire que nous souhaitons absolument éviter.
Nous sommes dans un contexte particulier, mais malgré tout, quelles sont les attentes et les perspectives pour cette campagne 2022/2023, notamment en matière de rendement ?
Christian SPIEGELEER : À partir des semis, la campagne 2022 a été marquée par un climat sec et chaud. Le développement des betteraves s'est fait dans des conditions assez satisfaisantes jusqu’à début août, avec une bonne résilience de la plante par rapport à la sécheresse du printemps. La betterave a en effet produit ce qu'on appelle le « pivot », à savoir une racine centrale qui est allée loin dans la terre pour essayer de capter l'eau qui lui faisait justement défaut en surface.
L'estimation des rendements au début du mois d'août était légèrement supérieure à la moyenne sur cinq ans, c'est-à-dire environ 87 tonnes de betteraves par hectare. Ceci correspond à une campagne dans la moyenne. En revanche, la poursuite de la sécheresse ensuite a fait baisser les estimations de rendement moyen légèrement en-dessous de cette même moyenne sur cinq ans.
Quels sont les autres enseignements de cette campagne ?
Christian SPIEGELEER : Autre conséquence du climat sec et caniculaire qu'on a connu, associé à de faibles précipitations, c'est une richesse en sucre élevée des betteraves, souvent supérieure à 20 % au début du mois de septembre. C’est beaucoup !
Bien évidemment, il y a cette année de fortes disparités entre les régions productrices de la betterave, selon le type de sol et le fait d’irriguer ou non les betteraves.
Enfin, sur le plan sanitaire, on note une assez faible présence de la jaunisse virale, qui était une réelle crainte. Cette campagne devrait permettre des volumes de production correctes.
A quelle période anticipez-vous la fin de la campagne ?
Christian SPIEGELEER : On estime la durée de la campagne de production de sucre de 100 à 105 jours, compte-tenu des surfaces et des rendements betteraviers.
Sur cette base, avec l'anticipation du démarrage des usines, pour une majorité d'entre elles en tous cas, la campagne devrait s'arrêter à la fin du mois de décembre. Quelques-unes iront cependant au-delà, peut être jusqu'à mi-janvier 2023. Mais à la période de Noël et du Nouvel An, on devrait avoir terminé l'essentiel de la production de sucre.
Un dernier mot au regard de cette année si particulière ?
Christian SPIEGELEER : Encore une fois, les crises se succèdent une année après l'autre. Nous avions eu une crise assez importante avec la jaunisse virale. Nous avons cette année une crise totalement inédite et historique avec le retour de la guerre sur le sol européen et ses conséquences.
Toutes ces crises nous rappellent la mission de nos industries qui est de pourvoir à l'alimentation des Français et à leur sécurité alimentaire. Les solutions qui doivent être apportées à ces crises nécessitent d’être regardées sous le principe de la souveraineté alimentaire. C'est un leitmotiv chez nous, chez les agriculteurs comme chez les industriels et cela fait partie du fond de nos prises de position par rapport aux pouvoirs publics.